J.O. 133 du 9 juin 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis de la Commission des participations et des transferts n° 2005-A.-3 du 3 juin 2005 relatif à une cession sur le marché de titres de France Télécom


NOR : ECOX0505807V



La commission émet l'avis suivant :

I. - Par lettre du 2 juin 2005, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission en vue de la mise en oeuvre d'une opération de marché sur le capital de la société France Télécom, actuellement détenue à hauteur de 41 % par l'Etat français et l'ERAP.

L'opération envisagée consiste dans la cession sur le marché d'une partie des actions existantes détenues par l'Etat ou l'ERAP, pour un volume d'au maximum 10 % du capital de France Télécom.

Les actions cédées sur le marché font l'objet d'un placement privé auprès d'investisseurs institutionnels français et internationaux, conduit par un syndicat bancaire qui en garantit la bonne fin en termes de volume et de prix minimum.

II. - L'article 7 de la loi no 2003-1365 du 31 décembre 2003 a ajouté France Télécom à la liste, annexée à la loi no 93-923 du 19 juillet 1993, des entreprises dans lesquelles les participations de l'Etat seront transférées au secteur privé. Le transfert au secteur privé de France Télécom a été autorisé par le décret no 2004-387 du 3 mai 2004 et a été réalisé par une cession d'actions sur le marché intervenue le 1er septembre 2004.

Les cessions d'actions de France Télécom sont réalisées dans le cadre du titre II de la loi no 86-912 du 6 août 1986 conformément à l'article 1er-1-III de la loi no 90-568 du 2 juillet 1990, modifié par l'article 7 de la loi no 2003-1365 du 31 décembre 2003, qui dispose que la part détenue par l'Etat dans le capital de France Télécom est déterminée en tenant compte de la participation directe et indirecte (via l'ERAP) de l'Etat.

Conformément à l'article 11 de la loi no 86-912 du 6 août 1986 modifiée, des titres seront proposés aux salariés dans la limite de 10 % des actions cédées. La commission émettra un avis distinct sur cette offre réservée aux salariés.

L'Etat français, directement ou à travers l'ERAP, détient aujourd'hui 41 % du capital de France Télécom. En mars 2003, France Télécom avait émis des titres à durée indéterminée remboursables en actions (TDIRA) réservés aux créanciers de MobilCom et sur lesquels la commission avait émis l'avis no 2003-A.C.-1. Certains de ces titres ont été rachetés par France Télécom. Le remboursement éventuel des titres non rachetés ainsi que l'exercice d'autres instruments ouvrant potentiellement droit au capital entraîneraient une dilution de la participation de l'Etat, qui serait réduite à 38 %.

La réalisation de l'opération examinée par le présent avis, pour les volumes envisagés, est susceptible de faire passer la participation, directe et indirecte, de l'Etat dans France Télécom au-dessous de la minorité de blocage de 33,33 %.

III. - Le groupe France Télécom est l'opérateur téléphonique historique en France. Il propose l'ensemble des services de télécommunications aux particuliers, aux entreprises et aux opérateurs professionnels : téléphonie fixe et mobile, internet, multimédia, transmission de données. Depuis 1998, le groupe a mené une politique active d'expansion à l'international de son activité. Au 31 décembre 2004, il sert dans 40 pays du monde près de 125 millions de clients dont plus de 50 % sont hors de France.

Depuis le 1er janvier 2005, le groupe présente son activité en quatre segments en vue de mieux en traduire l'évolution :

« Services de communication personnels » (41 % du chiffre d'affaires du premier trimestre 2005) rassemble les activités de téléphonie mobile principalement exercées par Orange en France et au Royaume-Uni, où le groupe détient la première place avec respectivement 48 % et 24 % de part de marché (mais il est aussi présent notamment en Roumanie, en Belgique avec Mobistar, en Egypte avec Mobinil et en Slovaquie) et par le groupe TP en Pologne, qui détient 32 % de part de marché via sa filiale PTK Centertel ;

« Services de communication résidentiels » (43 % du chiffre d'affaires) réunit les activités de services fixes qui comprennent la téléphonie fixe (où le groupe détient en France 71 % de part de marché sur les appels locaux et 60 % sur ceux à longue distance), internet (42 % de part de marché en France, où le développement du haut débit est un axe prioritaire), et les services aux opérateurs pour leur procurer l'interconnexion ; ces activités sont essentiellement exercées en France et en Pologne (groupe TP) ; France Télécom a lancé de nouveaux produits grand public (visiophonie, télévision) pour s'efforcer de compenser l'érosion de la téléphonie fixe traditionnelle ;

« Entreprises » (15 % du chiffre d'affaires) rassemble les services aux entreprises en France (téléphonie fixe, réseaux de données et réseaux d'entreprise) et les services mondiaux via la filiale Equant : les offres de services personnalisés sont développées ;

« Annuaires » (1,5 % du chiffre d'affaires) reprend les activités de la filiale PagesJaunes, en France et à l'étranger, qui comprend l'édition et la diffusion d'annuaires imprimés ou en ligne ainsi que la vente d'espaces publicitaires.

Poursuivant la restauration de sa situation financière, qui a conduit notamment à l'augmentation de capital d'avril 2003, le groupe continue l'application du plan « TOP » dont l'objectif est de générer 15 milliards d'euros de flux nets de trésorerie en trois ans grâce à un programme d'amélioration des performances opérationnelles ; les résultats 2004 montrent que ce plan se déroule conformément aux objectifs de l'entreprise.

Le modèle de développement retenu par France Télécom a été confirmé et consiste à être un opérateur présent sur l'ensemble des supports (téléphone fixe, mobile et internet) et qui propose à ses clients une offre intégrée de services.

En application de ces orientations stratégiques, France Télécom a procédé depuis le second semestre 2003 à une réorganisation du groupe qui s'est traduite principalement par le rachat des actionnaires minoritaires des filiales Orange et Wanadoo (cette dernière absorbée depuis par France Télécom), les cessions des filiales au Salvador et au Danemark et l'introduction en bourse de la société PagesJaunes. Le rachat de la totalité des actifs et des passifs d'Equant a été décidé en février 2005 et est en cours de réalisation.

IV. - L'exercice 2004 a été marqué par la poursuite de l'amélioration des performances du groupe. Il a suivi l'exercice 2003 qui a été celui du redressement après deux exercices lourdement déficitaires.

Le chiffre d'affaires consolidé s'est élevé à 47,2 milliards d'euros, soit une hausse de 4,1 % par rapport à l'exercice 2003 en données pro forma (périmètre comparable) et une hausse de 2,2 % en données historiques. Cette croissance résulte, d'une part, de la forte progression des services mobiles d'Orange (hausse supérieure à 10 %) et de TP en Pologne (hausse supérieure à 20 %) et, d'autre part, du développement rapide de l'internet à haut débit qui a assuré une progression de plus de 10 % du chiffre d'affaires d'internet. Ces évolutions ont permis de compenser la baisse de la téléphonie fixe classique (environ - 4 %) et d'Equant.

Le résultat d'exploitation de 10,8 milliards d'euros a enregistré une hausse de 12,4 % en données pro forma (13,3 % en données non corrigées) grâce principalement à la progression de la marge, liée à la réduction des coûts, dans les services mobiles, malgré la pression concurrentielle (+ 13,8 % du résultat d'exploitation d'Orange en données pro forma) et aux bons résultats de la téléphonie fixe. Les résultats d'Equant sont par contre à nouveau en forte réduction. La marge d'exploitation s'améliore globalement en passant de 20,7 % à 23 %.

Le cash-flow disponible (hors cessions d'actifs) s'est élevé à 7,8 milliards d'euros en 2004, en hausse de plus de 19 %.

Le résultat net, part du groupe, pour l'exercice 2004 s'établit à 2,8 milliards d'euros, en réduction de 15 % par rapport à 2003, qui avait connu l'effet de crédits fiscaux. France Télécom a décidé le versement au titre de l'exercice d'un dividende de 0,48 euro par action. Les marchés financiers ont semblé considérer avec une certaine déception le montant du dividende, comme l'indique la baisse du cours lors de l'annonce des résultats qui étaient cependant en ligne avec les attentes.

Le bilan consolidé de France Télécom au 31 décembre 2003 fait apparaître des fonds propres de 15,7 milliards d'euros en hausse de 30 %. Le montant de l'endettement financier net s'est inscrit à 43,9 milliards d'euros (- 0,6 %), soit une réduction modeste en raison du coût du rachat des intérêts minoritaires d'Orange et Wanadoo en 2004. Au total, le groupe a à nouveau amélioré sa structure financière, le ratio d'endettement net sur capitaux propres passant de 3,67 à fin 2003 à 2,80 à fin 2004. Les écarts d'acquisition nets inscrits à l'actif du bilan demeurent toutefois à un niveau toujours élevé (26 milliards d'euros) du fait des acquisitions antérieures. La valeur de ces écarts fait l'objet d'un examen annuel.

En avril 2005, France Télécom a présenté l'impact sur ses comptes consolidés du passage aux nouvelles normes comptables dites IFRS. Les principaux agrégats financiers sont affectés comme suit : chiffre d'affaires diminué à 46,2 milliards d'euros (contre 47,2 selon les normes françaises), résultat d'exploitation diminué à 9,3 milliards (contre 10,8) et résultat net augmenté à 3,2 milliards (contre 2,8). Selon les normes IFRS, au 31 décembre 2004, les fonds propres seraient de 17,7 milliards d'euros (contre 15,7 du fait de l'ajout des intérêts minoritaires) et l'endettement financier net s'élèverait à 49,9 milliards d'euros (contre 43,9 en normes françaises du fait notamment de l'inclusion des titres remboursables en actions).

Au cours du premier trimestre 2005, le groupe France Télécom a réalisé des performances considérées comme en ligne avec les prévisions. Le chiffre d'affaires a progressé de 1 % par rapport au premier trimestre 2004 en données pro forma et de 3,5 % en données historiques. Cette progression a été obtenue grâce à la forte augmentation de l'activité de téléphonie mobile en France et de l'ensemble de l'activité en Pologne. Les mobiles au Royaume-Uni, le fixe en France et Equant ont par contre reculé.

V. - Lors de l'annonce de ses résultats annuels le 10 février dernier, France Télécom a confirmé ses objectifs pour 2005 et a annoncé ceux pour les exercices 2006 et 2007. Les objectifs pour 2006 et 2007 comprennent en particulier une croissance du chiffre d'affaires entre 3 et 5 % par an, une croissance supérieure à ces chiffres du résultat d'exploitation avant amortissements, un ratio d'investissement sur chiffre d'affaires à environ 12 % et la réduction entre 1,5 et 2 du ratio dette financière nette sur résultat d'exploitation avant amortissements. Ces objectifs ont été réaffirmés en avril 2005 lors de la publication de l'activité du premier trimestre.

Pour répondre aux défis de l'évolution du secteur et assurer une croissance rentable, France Télécom poursuit une stratégie d'intégration des réseaux et des services en vue d'offrir aux clients des services personnalisés. Afin d'accélérer la dynamique de croissance, France Télécom entend s'appuyer sur l'amélioration de la productivité (programme « TOP »), sur son potentiel d'innovation et sur des partenariats stratégiques.

L'objectif du plan « TOP » est de parvenir, au-delà des réductions de coûts, à une meilleure performance opérationnelle du groupe en termes de méthodes de travail, d'excellence de l'exploitation et de la relation avec la clientèle. La deuxième phase du plan « TOP » qui a été lancée vise à dégager des gains de performance structurels par la transformation des processus importants et par le renforcement des synergies transversales.

Le programme « TOP Line » mené en parallèle recherche l'accélération de la croissance en développant l'innovation. Trois objectifs sont jugés prioritaires : déployer le haut débit dans les réseaux fixes et mobiles, faciliter l'utilisation des services, notamment par des terminaux multi-accès et les offres multiservices, et étendre les systèmes d'information ouverts et l'accès permanent en tout lieu à l'ensemble des services.

VI. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation de France Télécom en recourant à une analyse multicritères qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.

La technique de placement au moyen d'un livre d'ordre accéléré exigeant une prise de décision rapide et une confidentialité absolue, il n'a pas été demandé aux conseils extérieurs d'actualisation de leurs rapports d'évaluation.

Les principales méthodes utilisées ont été :

- les comparaisons boursières : les multiples résultant de la capitalisation des sociétés comparables ont été étudiés et appliqués aux agrégats de France Télécom. Les multiples qui ont été jugés les plus significatifs sont ceux d'excédent brut d'exploitation (EBITDA), de résultat d'exploitation et de bénéfice net. Trois sociétés cotées européennes du secteur des télécommunications ont été retenues comme les plus comparables à France Télécom : Deutsche Telekom, Telecom Italia et Telefónica ;

- l'actualisation des flux futurs de trésorerie repose toujours sur les éléments de plan prévisionnel 2004-2007 élaboré par France Télécom qui n'a pas été modifié par rapport à l'an passé : l'impact sur l'évaluation de l'évolution des composantes du taux d'actualisation des flux (structure financière, taux d'intérêt, bêta) a été étudié.

Les évaluations résultant des différentes méthodes s'avèrent suffisamment convergentes.

VII. - La commission a examiné l'évolution du cours de bourse de France Télécom sur les douze derniers mois. Elle observe que ce cours s'est maintenu jusqu'en octobre 2004 autour du niveau de 20 auquel il s'était stabilisé depuis le début de l'année 2003 après les fortes amplitudes antérieures. D'octobre à décembre 2004, le cours de l'action a régulièrement progressé pour s'inscrire à l'issue de cette période dans la fourchette de 23 à 24 où il évolue depuis le début de l'année 2005. Au 1er juin, le cours de France Télécom a progressé au total depuis un an de plus de 20 %, alors que l'indice CAC 40 n'affichait une hausse que de 15 %.

Par rapport à ses comparables les plus proches, notamment Deutsche Telekom, Telefónica et Telecom Italia, l'action France Telecom a réalisé une meilleure performance sur un an, les mouvements du cours restant toutefois largement corrélés à ceux de l'ensemble du secteur.

Les principaux facteurs positifs pour France Télécom relevés en général par les analystes financiers sont les perspectives de croissance plus importantes, la capacité d'innovation dans les produits et services, la forte position d'Orange sur le marché français et son potentiel d'amélioration de la productivité. Les avis sur Orange UK, dont la part de marché a diminué, sont plus partagés. En moyenne, les analystes financiers émettent des recommandations positives et la plupart fixent des objectifs de prix supérieurs au cours de bourse actuel.

La commission observe que France Télécom, après avoir déjà accompli l'essentiel du redressement de sa situation financière, poursuit l'amélioration de sa productivité en vue d'améliorer ses marges et la génération de liquidités résultant de l'activité opérationnelle. La réalisation par le groupe des objectifs qu'il s'est fixés renforce la crédibilité du processus qui est conduit. France Télécom déploie une stratégie dynamique de croissance par l'innovation dans les produits et les services. L'option retenue, consistant à être un opérateur intégré doté de performances opérationnelles optimisées, a déjà donné ses premiers résultats et, compte tenu des atouts du groupe, est considérée comme pertinente face à l'ampleur des défis à venir. Sa dette, particulièrement importante, se réduit selon le calendrier prévu.

L'avenir du groupe n'est cependant pas exempt de risques, dans un secteur qui connaît de nombreuses incertitudes, notamment du fait de l'évolution technologique rapide, et qui s'inscrit dans un contexte de concurrence sur ses différents marchés qui ne peut qu'être appelée à se renforcer.

La procédure de cession choisie, un placement privé garanti par un syndicat bancaire quant à sa bonne fin et à son prix, paraît être, dans les conditions actuelles du marché, un moyen approprié d'atteindre les objectifs recherchés, d'assurer le succès de l'opération et d'obtenir un prix satisfaisant pour l'Etat.

VIII. - Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et au vu des informations qui lui ont été communiquées ainsi que des données les plus récentes du marché, la commission estime que la valeur de France Télécom ne saurait être inférieure à 50 milliards d'euros pour 2 467 333 426 actions composant le capital social, soit 20,26 euros par action.